Souvent les gens qui regardent mes photos me disent "Mais vous avez dû passer beaucoup de temps pour prendre cette photo...", comme si cette attente avait dû être pénible. Je leur réponds "Oui" bien sûr, mais une partie du bonheur de faire des photos réside dans ce temps passé près des chevaux à capter le meilleur de ce qu’ils me donnent. Le temps n’a plus d’importance, le temps n’a pas d’importance. Je peux rester des heures à observer et à essayer de montrer aux gens ce qui m’a touchée, ce que j’ai vu d’eux ou qu’ils m’ont laissée voir d’eux.
Quand je faisais de petits boulots à Paris, comme j’étais malheureuse de devoir courir tout le temps, courir après le temps, courir après les gens et l’argent.
Arrêtez-vous sur n’importe quel petit chemin, asseyez-vous. Au début vous ne voyez rien. Mais plus vous attendrez et plus vous verrez de choses qui vous subjugueront.
Appareil photo en main, dans un pré à observer les chevaux, souvent roulée dans l’herbe, dans le crottin ou la gadoue, rien de meilleur au monde. Plus rien n’existe, le temps suspend son vol comme le réclame le poète, se mêle à cela l’excitation de la prise de vue, du cadrage, de la lumière, de la photo peut-être réussie.
Et puis comme il est long le temps du développement*, long de savoir enfin si la magie est au rendez-vous ! Enfin la délivrance arrive, certaines photos vont-elles prolonger la magie d’un moment pour de bon et pour longtemps ?
Puis l’on est déçue par celle que l’on croyait avoir réussie, et étonnée de celle qu’on avait fait sans conviction et qui se révèle des plus heureuses.
Rédigé par Cécile Dudon en août 2003
( * Cécile n'a connu que la photographie argentique )